#35 RASSEMBLER LES PARTS DE SOI EPARPILLEES, L’AMOUR D’ISIS 

ISIS ET OSIRIS : HISTOIRE D’UN COUPLE MYTHIQUE – par Thierry Tournebise

 Dans la mythologie égyptienne, Isis était la femme d’Osiris. Ce couple de dieux tenait une place importante dans le cœur des égyptiens car d’eux naquit Horus. Sa place fut si importante que, de leur vivant, les pharaons portaient le titre d’Horus.

L’histoire d’Isis et Osiris est particulièrement touchante car l’amour d’Isis a ressuscité son mari assassiné et Horus a été conçu dans des circonstances exceptionnelles après l’assassinat de son père. Il existe plusieurs variantes de ce mythe mais on peut en noter l’idée globale qui semble parler du fonctionnement psychologique de l’être humain et du sens généreux de la thérapie.

Comme dans l’histoire de Caïn et Abel, Osiris avait un frère ennemi (nommé Seth). Ce frère voulait prendre le pouvoir à sa place. Osiris, juste et bon, apporta la civilisation aux égyptiens. Il leur apprit à cultiver les champs et leur donna des lois. Seth, jaloux et envieux, lui tendit un piège. Puis, après l’avoir enfermé dans un coffre, il le jeta dans le Nil pour qu’il se perde dans la mer.

Ce coffre se prit dans l’arborescence d’un arbre dont la croissance du tronc l’engloba. Le roi de Byblos utilisa, sans le savoir, ce bois (contenant le coffre) comme pilier pour son palais. C’est là qu’Isis le retrouva.

Elle ramena le corps de son époux en Egypte, mais Seth, profitant d’un moment d’inattention d’Isis, décida d’en finir pour de bon. Il découpa Osiris en quatorze morceaux qu’il éparpilla sur la terre d’Egypte.

Isis entreprit avec l’aide de sa sœur, Nephtis, de rechercher puis de rassembler les morceaux de son mari. Osiris fut rassemblé avec tant d’amour que non seulement il ressuscita, mais en plus il redevint apte à la procréation. Isis, sous la forme d’un épervier, se posa alors sur le phallus d’Osiris et conçut Horus.

Osiris devint le roi du monde souterrain. Isis cacha Horus, lui aussi menacé par Seth, puis l’éduqua dans le but de venger son père. Adulte, lors d’un combat avec Seth, Horus perdit un œil. Mais il reçut de Dieu, à la place de l’organe perdu, un œil capable de voir la vérité, etc.

Comme vous pouvez le constater, un mythe déborde de détails auxquels nous avons parfois du mal à donner un sens symbolique. L’idée fondamentale étant noyée dans la luxuriance narrative, nous n’y voyons souvent qu’une belle histoire ou l’expression d’une croyance ancienne plus ou moins séduisante ou puérile.

Puis nous parvenons à une signification possible, tous les détails ne collent pas forcément. C’est parce que notre attention doit plutôt se porter sur une vue globale…

Vous connaissez sans doute l'admirable triade d'Osorkon II ( 74 - 850 avant J.-C. (XXIIe dynastie) en or, lapis-lazuli et verre rouge, exposée au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - E 6204.

Je voudrais partager avec vous le fruit d'un passionnant article de l'égyptologue Sydney. H. Aufrère sur lequel je travaille. Et surtout l'interprétation symbolique qu'il donne de cet objet unique, au-delà de sa pure beauté plastique : "Horus prête son oeil à son père le 15 e jour afin de souligner l'aspect lunaire d'Osiris : Osiris-Lunus ou Osiris-Onnophris, c'est à dire l'Osiris parfait, reconstitué, prêt à féconder, en revêtant l'aspect d'Orion, Sothis-Sirius". L'image de cette reconstitution est parfaitement exprimée dans cette triade qui conjoint la symbolique du Lapis-lazuli ( le ciel nocturne) et celle de l'Or ( la chair des dieux, le métal qui confère l'immortalité) . Ici, Onnophris sort du pilier-jwn, lunaire, entre sa soeur-épouse Isis et son fils Horus. "Par analogie, précise S. Aufrère, la mort est la lune reconstituée et son corps est rempli à l'instar de l'oeil d'Horus. Il tient lieu de microcosme rejoignant le macrocosme". Eblouissant, n'est ce pas ? Florence Quentin, égyptologue

Analogies psy

Ici, je remarque qu’Isis peut représenter celui que nous sommes aujourd’hui (conscience). Osiris, lui, peut représenter tous ceux que nous avons été autrefois (dont nous sommes peu ou pas du tout conscients). C’est finalement une histoire d’amour entre celui que nous sommes et tous ceux que nous avons été.

Aller vers le futur sans en tenir compte, c’est oublier que même à notre insu, ce qu’on a été reste le pilier d’un palais en attendant d’être retrouvé. Mais une fois retrouvé, ce nous avons été ne nous plaît pas forcément. Quand c’est le cas, nous investissons nos efforts pour nous en défaire. Le projet est, en toute logique, de « devenir meilleur » en éliminant le passé gênant.

C’est un rêve de puissance sur soi qui fait penser à Seth cherchant le pouvoir en se débarrassant de son frère Osiris.

L’ego est bien illustré par Seth. Même la quête de pouvoir sur soi est une manifestation de l’ego. Nous mettons ainsi autant de soin et d’acharnement à nous débarrasser de notre passé gênant que Seth à se débarrasser d’Osiris. C’EST LA PULSION DE SURVIE.

Croyant chercher ainsi une amélioration, nous détruisons alors notre base la plus précieuse qui, même quand elle est dans l’ombre, reste le pilier d’un palais. Pensant bien faire, nous détruisons ainsi des parts de nous qui attendent de naître, comme celui qui scierait une branche sur laquelle il est assis sous prétexte qu’elle n’est pas assez solide. Comme notre croyance culturelle entretient la légende culpabilisante selon laquelle certaines de ces parts de nous sont des monstres, nous allons chercher à les vaincre et à nous en débarrasser. En combattant ces parts à naître, nous croyons pratiquer une sorte d’IVG thérapeutique !

Pareil à Seth, nous dépeçons alors Osiris et en jetons les morceaux au loin pour qu’ils n’entravent plus notre démarche de pouvoir sur soi. Pourtant, animés par l’idée de devenir meilleur, nous nous retrouvons alors avec une histoire personnelle morcelée où manquent de nombreuses parts de soi.

Heureusement, la répétition d’évènements similaires dans notre vie nous aide à ne pas perdre ces morceaux. Pareils à Nephtis, apparemment associée au mal car elle est l’épouse de Seth, ces réactivations de ce qui nous gêne nous proposent un accès, une aide, pour retrouver et rassembler les morceaux épars et oubliés qui nous manquent. Nephtis représente l’intelligence cachée de l’inconscient animé par une PULSION DE VIE qui contrebalance la pulsion de survie.

 Morceaux de soi éparpillés

Il y a un parallèle étonnant avec la psychothérapie et type Maïeusthésique. Isis est partie en terre d’Egypte chercher les morceaux éparpillés d’Osiris afin de les rassembler avec amour. De la même façon, celui que nous sommes aujourd’hui doit partir dans son histoire personnelle pour rassembler avec amour tous ces morceaux de lui-même arrachés, éparpillés et manquants. Cette fois-ci, les morceaux ne sont pas éparpillés dans l’espace (terre d’Egypte), mais dans le temps (notre histoire personnelle).

 Celui qui fait une thérapie est semblable à Isis. Quand Isis retrouve Osiris, c’est comme quand celui qu’on est retrouve celui qu’on a été. De cette histoire d’amour naît une descendance… Horus. C’est-à-dire tous ceux que nous serons à partir de ce moment.

Puis Seth (pulsion de survie et ego) arrache un œil à Horus (celui qu’on est devenu). L’aide définitive arrive quand à la place de cet œil, il reçoit un œil capable de voir la vérité (apparition de la sensibilité à la maturité). Il s’ensuit toute une dynastie de pharaons successifs qui conduit le peuple égyptien pendant plusieurs siècles (nous-mêmes capables enfin de conduire notre vie instant après instant).

Thierry Tournebise, extrait de « L’écoute thérapeutique, cœur et raison en psychothérapie », Ed. ESF Sciences Humaines, 2018

Je vous propose des consultations individuelles ou en couple en présence au Cabinet Aliotis à Genève ou en distanciel.

Je peux, à la demande, organiser des présentations interactives de la Maïeusthésie près de chez vous si vous avez un lieu d'accueil (min. 8 personnes).

Bien chaleureusement, Angela Dupraz

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Genève, le 17.09.2025